Mathématiques (2)

Il faut se méfier des détenteurs de vérité, ils aliènent notre liberté créative. Il faut se méfier des certitudes, elles nous endorment, nous emprisonnent et nous empêchent de progresser. À notre niveau d’évolution, il y a dans l’univers beaucoup plus de doutes et d’incertitudes. Dans notre cheminement, douter nous amènera davantage à faire des progrès plutôt que de nous contenter de réponses faciles.

C’est la raison pour laquelle j’aime tout particulièrement ce qui ébranle nos certitudes, tout ce qui donne un coup de pied dans la fourmilière de nos dogmes figés. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas avoir de points de repères ou de valeurs. Mais s’il faut nous ancrer, ancrons en terrain solide : de l’autre côté du miroir, pas dans le monde des apparences.

Pour ce qui est de bousculer nos certitudes, les mathématiques sont une source intarissable de sujets. Elles nous apprennent que certains problèmes qui n’ont pas de solutions dans un certain référentiel en ont quand on agrandit ce référentiel. Par exemple jusqu’en terminale, les élèves apprennent qu’un nombre au carré ne peut pas être négatif. S’ils ont une certitude, c’est bien celle-là. Et puis en terminale, ils découvrent un ensemble numérique plus vaste, les nombres complexes, dans lequel un carré peut être négatif… et ils se retrouvent comme les petites bébêtes qui découvrent la troisième dimension…

Et plus on avance en mathématique, plus l’ordre établi est chamboulé : on découvre des espaces de dimension 5, 6 et plus, et même infinie. L’espace se courbe, les droites parallèles se coupent, le temps se dilate. Rappelez-vous cette expérience d’Einstein lorsqu’il mit sur pied sa théorie de la relativité : deux jumeaux qui partent le même jour dans deux fusées différentes et qui voyagent à des vitesses différentes, l’un à une vitesse proche de celle de la lumière, l’autre pas, reviennent sur Terre et n’ont plus le même âge… Et aujourd’hui la théorie de la relativité elle-même a pris un coup de vieux.

Ces connaissances qui dans le domaine scientifique, évoluent, vivent, sont pour nous une occasion d’effectuer la même démarche : agrandir notre champ de  vision, nous ouvrir vers le monde, maintenir affûtée notre curiosité d’esprit, ne jamais cesser de remettre en cause nos fausses certitudes.

Mathématiques (1)

« Tout est dans tout » (et réciproquement, pourrait-on dire avec une pointe d’humour…)

L’aïkido n’est pas le seul outil qui nous permette de trouver en nous les réponses aux questions fondamentales qui se posent à nous tout au long de notre existence. En réalité tous les chemins sont bons si l’on s’y engage de tout son être. Jardiner ou faire de la dentelle, cuisiner ou conduire un autobus peuvent nous conduire à la sagesse et à la connaissance. Cependant, les mathématiques, du fait qu’elles traitent de l’infini, sont en la matière un excellent outil.

Le fini et l’infini peuvent être représentés l’un par un segment limité à ses deux extrémités, l’autre par une droite, illimitée de chaque côté. Sur le segment on peut parler de début, de fin, dire que l’on part de A pour aller vers B, dire que l’on est au milieu, plus près de A que de B.

Sur un droite, sans repère, (on supposera que l’on se déplace toujours de la gauche vers la droite) les mots « début » et « fin » n’ont pas de sens. Où que nous soyons, il reste encore un chemin infini à parcourir. Comment alors échapper à l’humilité ? Bien sûr je peux être trois centimètres plus à droite que vous, mais si nous regardons devant nous, l’infini est devant nous. Voilà qui nous aide à comprendre le Maître quand il disait : « Nous sommes tous des débutants. » L’infini est une représentation beaucoup plus juste du travail que nous avons à faire tout au long de notre vie d’aïkidoka, ou tout simplement d’être humain. Et cela permet de comprendre la signification de l’idéogramme « do » dans « aïkido ». Le « do » est un chemin sans début ni fin, dans lequel les objectifs ne sont là que pour être dépassés.

Ce qui est intéressant, c’est le rapport entre le fini et l’infini. On montre en mathématiques qu’il y a « autant de points » sur le plus petit segment que sur la droite toute entière. Cette affirmation qui semble paradoxale n’est en réalité par très difficile à comprendre. Entre 1 et 2 on peut faire tenir une infinité de nombres : 0,1 – 0,01 – 0,001 – 0,0001 etc. il suffit de rajouter autant de zéros que l’on veut après la virgule. Ce qui est infini peut donc tenir entre deux limites. L’on retrouve là ce que ne cessent de nous répéter les Maîtres de toutes les traditions : dans un être humain, par essence limité, se trouve l’infini.

Un professeur de math qui aborde ces sujets en cours avec ses élèves capte aisément leur attention…et pour une fois il échappe à la question classique : « À quoi ça sert les maths ? »

Tout est dans tout…